(M. Fiala/Reuters)
(M. Fiala/Reuters)

Très privé Cypress Point

Le Cypress Point Club est l'un des golfs les plus privés de la planète. Joël Stalter a eu la chance de le jouer lors de son passage à l'université de Berkeley. Pour nous, il se souvient.

On peut secouer les classements des magazines américains dans tous les sens, il fait toujours partie des trois plus beaux parcours du pays, avec Augusta National et Pine Valley. Mais là où Augusta est une véritable forteresse planquée derrière ses barrières, Cypress Point se laisse tranquillement vivre au bord de la 17-Mile Drive, la route publique qui serpente dans les collines de Pebble Beach. Il est seulement protégé par quelques panneaux Private, et ce serait tellement facile de se garer vite fait, de sortir avec les clubs et de s'incruster pour taper quelques balles. Sauf que non, en fait.

On a bien évidemment essayé d'aller y jouer. On a bien évidemment échoué. On a fait jouer notre petit réseau californien, sans succès. On a demandé à coach Desimone, le très culte responsable du golf à l'University of California (Berkeley) : le doyen s'est démené, mais clairement, personne n'avait envie de nous voir là-bas. Ni de nous donner la moindre interview, d'ailleurs. Le seul moyen, c'était de se faire inviter par un membre. Pas pour cette fois. Joël Stalter a eu plus de chance que nous. Le tout jeune néo-pro français a passé quatre années à Berkeley, et il a eu l'occasion de tester deux fois le parcours. Il nous le raconte avec émotion.

« Presque seuls au monde »

« J'ai eu la chance de le jouer deux fois. La première, c'était dans le brouillard, mais c'était fabuleux. Il y avait juste trois parties sur le parcours, on était presque seuls au monde. Et la deuxième fois, c'était juste culte : il y avait une tempête de vent démentielle, je n'avais jamais vu un truc pareil. Sur le 14, j'ai joué drive bois 3 et je suis resté court de green, alors que la première fois, j'avais joué bois 3 fer 9. Mais j'en garde un souvenir particulier : j'étais avec mes trois potes d'université, et on avait le parcours rien que pour nous. Les scores ? -5 la première fois, et quelque chose comme +15 la deuxième... Quand tu arrives sur place, ça ne paie pas de mine. Le pro-shop est tout petit, le club-house minuscule, les vestiaires très old school. Ça me fait un peu penser au domaine de la Romanée-Conti, avec un portail un peu pourri qui t'accueille, alors qu'ils ont l'un des vins les plus chers au monde. Mais bon, tu ne fais pas le malin à Cypress Point, tu ne changes pas de chaussures sur le parking...

« Cette journée avec mes potes dans la tempête, où j'avais l'impression d'être 20 d'index, je ne l'oublierai jamais. »

Joël Stalter

L'entretien est extraordinaire, le design superbe, mais pour moi, c'est l'enchaînement 15-16-17 qui fait le parcours. Ce sont les plus beaux trous du monde. Ça commence même dès le 14, en fait, quand tu prends le petit chemin au bord de la falaise et que toute la vue s'éclaire. Puis vient le 15, petit par 3 de bord de mer, et le 16, cet immense par 3 avec l'océan partout. Personnellement, je garde un souvenir dingue du 17. Normalement, c'est drive fer 9 sur ce trou. Mais avec le terrible vent arrière, on pouvait survoler tout l'océan pour driver le green. Mon pote Brandon Hagy (son colocataire à Berkeley et aujourd'hui pro aux US, ndlr) a même fait pitcher son bois 3 à un mètre du mât...

Il y a d'autres golfs qui m'ont marqué, comme le Riviera ou Sherwood. Mais ils ont quand même moins de prestige et ils sont moins exclusifs que Cypress Point. Je pense que je pourrais y rejouer un jour, mais je ne sais pas quand. Et puis ce n'est même pas sûr. Alors je pourrais dire que je l'ai joué avant de mourir... Et sérieusement, cette journée avec mes potes dans la tempête, où j'avais l'impression d'être 20 d'index, je ne l'oublierai jamais. »