Roissy, l'eau bénite

Sur les 111 000 m3 d'eau qu'utilisera le golf de Roissy chaque année, 75 % proviendront de son propre recyclage des eaux pluviales dépolluées. Découverte d'un système ingénieux et inspirant.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Si Antoine Lavoisier, père de la chimie moderne, et Michel Niedbala, architecte du nouveau Golf international de Roissy, avaient entremêlé leurs existences, cette citation aurait pu animer leurs discussions. Sensible à la fibre écologique depuis deux décennies, lorsqu'il esquissait les contours du golf des Dolomites dans les Alpes italiennes, le bâtisseur du néo-golf francilien a conçu un ingénieux système d'eau pour son dernier bébé. En deux mots : zéro perte. « C'était un sujet capital pour Michel et pour la mairie de Roissy, à l'origine de ce projet », annonce Swann Gueydan, directeur des lieux.

Cycle vertueux

La virtuosité du système imaginé par l'architecte et son équipe prend sa source dans une idée élémentaire, celle de récupérer la quasi intégralité de l'eau entrant sur le golf. « Si elle tombe dans l'herbe, des drains ramènent le surplus vers nos bassins, détaille le maître des lieux. Si elle s'écoule sur les chemins, des exutoires la ramènent. » Et si elle échoue directement dans l'un des nombreux plans d'eau, c'est gagné : le cycle de l'eau roisséen se met en route. Au fond du vallon, trois bassins de stockage recueillent l'eau venue de toute part, avant de l'injecter dans un bassin de phytoépuration, pierre angulaire du système. « Des plantes semi-aquatiques (roseaux) et des plantes aquatiques (macrophytes) sont chargées de filtrer naturellement l'eau. Les micro-organismes prennent ensuite le relais, en dégradant la matière organique. L'eau ressort parfaitement épurée par le seul travail de ce bassin. » Ce procédé naturel sous-marin, aussi efficace qu'écologique, est suivi d'une réoxygénation de l'or bleu. À l'oeil, elle est immanquable : une cascade carte postable au trou n° 18, suivie d'un torrent de 700 mètres traversant une bonne partie de l'aller, où chaque embranchement rend l'eau plus cristalline. « Lorsque le soleil est au zénith, on voit le fond du bassin. On a l'impression d'être sur un lac de haute montagne », avance le patron du domaine. Difficile de le contredire, tant l'eau apparaît d'un bleu turquoise étonnant, quasi irréel. Du liquide bénit pour l'intendant Jean-Paul Legay et son équipe, qui captent finalement l'eau épurée et réoxygénée en aval, dans un dernier bassin dédié à cet effet.

Le bassin de phytoépuration du golf de Roissy
Le bassin de phytoépuration du golf de Roissy

Arrosage intelligent

Ajoutez à cela l'existence préalable d'un ru traversant le golf et alimentant les bassins de façon naturelle, et vous obtenez un circuit fermé et autonome, tournant de jour comme de nuit. « Nous avons aussi la possibilité de capter dans une nappe phréatique mais, malgré la nécessité de faire grandir une herbe jeune, nous n'y avons pas eu recours. » À l'instar de beaucoup de golfs en France qui font évoluer leurs pratiques, les zones de rough ne sont jamais arrosées. Sur les 90 hectares des lieux, 45 ne nécessitent pas une goutte d'eau. L'herbe utilisée pour le parcours, mélange de fétuques, se révèle moins gourmande en eau que des graminées classiques. Mais, surtout, le site est doté d'un système d'arrosage moderne ne donnant que l'exacte eau nécessaire à l'herbe, grâce à des sondes intégrées dans le parcours. « Avant, on allait arroser pendant douze minutes tous les greens, qu'ils soient en plein vent, donc sec, ou à l'ombre et humide, raconte Swann Gueydan. La perte d'eau était colossale. Aujourd'hui, le greenkeeper sait précisément si son green a besoin de quinze ou vingt-deux minutes d'arrosage, et amène la bonne dose tout en ciblant la bonne zone, tout ça depuis son téléphone portable. » Le logiciel, habilement baptisé Lynx, manage en permanence l'apport d'eau et adapte son débit en fonction de la distance entre le trou et la pompe, afin de ne pas utiliser trop de pression. Avec toujours la même finalité : réduire la quantité d'eau consommée. « Même la pratique de l'arrosage est modifiée, complète Swann Gueydan. Si vous versez de l'eau sur une éponge, elle va ruisseler mais elle ne pénètrera pas. On humidifie donc d'abord le green, avec un petit passage de 5 minutes, afin de laisser le temps à l'eau d'être absorbée. On s'occupe ensuite d'un autre green, puis on lance le véritable arrosage sur le green précédent. L'infiltration est meilleure et, à effet identique, la quantité d'eau nécessaire est inférieure. »

Prise de conscience

Tout aussi performant et utile que se révèlera ce système vertueux de gestion de l'eau, la tâche la plus difficile pour les gestionnaires du golf de Roissy sera identique à celle des autres parcours de la planète : convaincre les golfeurs de la nécessité de préserver l'eau, et faire oublier cette image du parcours vert flamboyant. « Dans toutes nos démarches, et toutes les règlementations qui vont arriver sur les restrictions d'eau, le plus difficile sera d'éduquer le golfeur, abonde le directeur de Roissy. De faire comprendre que, oui, on peut avoir un parcours qui a séché ; que, oui, on peut avoir un départ de maladie sur le green, et qu'on va le contenir moins facilement qu'auparavant. Pour de bonnes raisons, nous sommes contraints de limiter nos apports et notre arrosage. Il faut que le golfeur l'admette et comprenne qu'on ne pourra plus jouer en août, par 35 degrés, un parcours vert pétant. L'avenir n'est pas là. » Le premier tee-shot devrait être frappé le 18 septembre, à l'occasion de l'inauguration du golf roisséen. Et lorsque votre balle finira dans le ruisseau, détendez-vous en songeant à son utilité première....

Le chemin de l'or bleu

Retrouvez cette infographie dans Journal du Golf n°157 consacré à l'écologie.