Martin Couvra, Tom Vaillant et Julien Sale en pleine action au centre de performance. (Sébastien Vincent)
Martin Couvra, Tom Vaillant et Julien Sale en pleine action au centre de performance. (Sébastien Vincent)

Objectif monde

Nouveaux outils, nouvel encadrement davantage en lien avec le monde pro, le haut niveau tricolore est en pleine mutation. Plongée au coeur même du nouveau centre de performance de la Fédération française de golf avec une question centrale en tête : peut-on construire un champion ?

Boum ! Le mur tremble sous le premier impact. Boum ! Le lourd medecine ball noir s'écrase une nouvelle fois violemment contre la paroi en bois flambant neuve. Tom Vaillant, l'auteur de ce raffut matinal, est déjà en sueur alors que sa journée d'entraînement vient de commencer en ce début mai. La séance de sport quotidienne du numéro 2 français amateur est loin d'être inhabituelle. C'est l'endroit où il la déroule qui l'est un peu plus. Autour de lui, une immense salle de 450 m2 qui sent encore la peinture fraîche. Et pour cause, le centre de performance de la Fédération française de golf (ffgolf) n'est ouvert que depuis quelques mois seulement. C'est là, au coeur même du Golf National, à quelques encablures du practice habituel de l'Open de France, qu'est sorti de terre l'un des outils les plus importants de la filière de haut niveau tricolore.

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Car sur le bien nommé plateau performance qui accueille les membres de l'équipe de France amateur pour un stage d'entraînement, sont regroupés l'essentiel des outils dédiés justement à la haute performance. Outre un espace complet de préparation physique, le plateau dispose d'un putting green synthétique doté des dernières technologies de pointe (PuttView, Sam Putt Lab...), d'une baie d'analyse indoor bardée de caméras haute vitesse, et d'une demi-douzaine de tapis eux aussi affublés des techniques de pointe dont le niveau de précision extrême du haut niveau raffole (TrackMan, plaques de force...). Jean-Luc Cayla, le directeur de la performance à la ffgolf, va droit au but pour caractériser ce nouvel outil dédié aux meilleurs golfeurs et golfeuses français : « On construit la performance et on accompagne la création du champion avec ce genre de structures. Quand on arrive dans ce centre, la première envie est de s'entraîner, de tout tester, de travailler son physique, de taper sur les plaques de force... Ça renforce la motivation dès le plus jeune âge, c'est très précieux. »

Gommer la frustration

Petit saut dans le temps pour comprendre un peu mieux d'où vient ce grand bâtiment aux majestueuses poutres en bois clair et tout ce qu'il recèle. Nous sommes en 2015 et Édouard Bréchignac, alors coach des équipes de France féminines, est en plein échange avec Christophe Muniesa, le directeur général de la ffgolf. Leur sujet de conversation tourne bien sûr autour du très haut niveau. Et plus précisément sur les investissements alors réalisés par la fédération vers des experts de renommée mondiale dans tous les secteurs de la performance.

Sur le Stadium, immense zone de petit jeu dédiée au haut niveau. (Sébastien Vincent)
Sur le Stadium, immense zone de petit jeu dédiée au haut niveau. (Sébastien Vincent)

« Je trouvais ça génial, se souvient Édouard, mais quelque chose me dérangeait : nous n'avions pas à notre disposition d'infrastructures permettant de nous placer au même niveau que l'expertise de ces intervenants, notamment en ce qui concerne le petit jeu. De ce fait, l'intervention perdait de sa pertinence. Cette limite structurelle était frustrante pour tous les entraîneurs. » De ce constat découle le Stadium, cette immense zone de petit jeu au cahier des charges issu du Tour européen, sortie de terre près du trou n° 14 de l'Albatros il y a un peu moins de deux ans.

Mais ce n'était là que la première pierre d'un édifice se voulant bien plus complet. « Les outils sont des moyens pour atteindre certains objectifs, précise Jean-Luc Cayla. Et plus les objectifs sont élevés, plus les outils doivent être en rapport avec cette finalité. Donc si l'on veut voir évoluer des Français dans le top 20 mondial, là ou se trouvent les champions et championnes, il faut mettre à leur disposition des outils en rapport avec cette finalité très élevée. » Édouard Bréchignac, qui a été missionné pendant près de trois ans pour aider à faire sortir de terre ce centre de performance, précise : « Ce centre, c'est le minimum pour le très haut niveau. Dans un sens, on rattrape un certain manque. La priorité doit d'ailleurs être donnée à la qualité structurelle des zones d'entraînement. Et peu importe s'il y a ou non du soleil 300 jours par an là où on installe ces structures. Il faut avant tout de très bons greens, de très bons lies pour travailler de façon qualitative, quel que soit le temps. Les Anglais et les irlandais disposent de telles installations, ce n'est pas un hasard s'ils performent. »

En France, l'idée a aussi été de rassembler en un même lieu ce fameux centre de performance et de recherche sur le très haut niveau, le pôle Espoirs et ses lieux de scolarité liés, ainsi que les logements des futurs cracks. Le centre de formation des enseignants tricolores est d'ailleurs au coeur même de tout le complexe, de quoi faciliter et enrichir toujours plus les échanges entre la base et l'élite.

L'importance de l'oeil

Pour autant, s'il suffisait uniquement de solides infrastructures de la sorte pour créer des champions, la chose serait entendue depuis longtemps. Non, la haute performance et l'éclosion des cracks de demain exige bien plus. Très clairement, l'encadrement lié à de telles structures est tout aussi prépondérant. Et l'idéal est de profiter de l'expérience inestimable en provenance directe des circuits. Pas étonnant donc de retrouver au départ du 1 de l'Albatros deux figures fréquemment croisées sur le Tour européen ces dernières années. Benoît Teilleria et Yann Vandaele sont d'ailleurs en plein briefing des trois joueurs de l'équipe de France qu'ils encadrent cet après-midi-là sur le parcours.

L'idée est de sensibiliser les jeunes espoirs à regarder un parcours de façon globale (...) Je veux qu'ils ressentent le coup à jouer. Qu'ils soient dans le jeu.

Benoît Teilleria

Le premier a longtemps été joueur sur le Tour et est désormais l'un des entraîneurs et sélectionneurs de l'équipe tricolore. Le second officie toujours comme caddie pour Robin Roussel, après avoir épaulé Benjamin Hébert ou Julien Quesne. « Les gars, vous allez faire 18 trous sans télémètre aujourd'hui, explique le Basque. Et le but du jeu va être de deviner à l'oeil la distance exacte qui vous séparera du drapeau. » Le regard de Martin Couvra est interloqué. Lui, le benjamin de la bande aux bouclette blondes de presque 19 ans, reste perplexe face à la consigne. « Au mètre près, vraiment ? » Et son sélectionneur de répliquer en souriant : « Oui monsieur, au mètre près, sinon ça ne compte pas. »

Benoît Teilleria et Tom Vaillant en plein entraînement sur l'Albatros. (Martin Coulomb)
Benoît Teilleria et Tom Vaillant en plein entraînement sur l'Albatros. (Martin Coulomb)

Derrière cet exercice de précision se cache une volonté tout aussi aiguisée de l'entraîneur et plus globalement du staff de l'équipe de France : « Un champion a un oeil. Il a un côté analytique, mais aussi un côté imaginatif et créatif, précise Benoît Teilleria. L'idée est de sensibiliser les jeunes espoirs à regarder un parcours de façon globale, à analyser chaque situation en fonction des éléments extérieurs, de la position du drapeau, des dangers, du vent et non uniquement de la distance. Je veux qu'ils ressentent le coup à jouer. Qu'ils soient dans le jeu. » D'entrée, l'exercice porte ses fruits. Tom Vaillant décoche une flèche à quelques centimètres du trou après avoir estimé de tout aussi près la distance quasi exacte dès le 1. Julien Sale, le leader du clan tricolore au classement mondial (114e), en sourit même de toutes ses dents !

La suite de ce reportage au coeur du centre de performance de la ffgolf est à retrouver en intégralité dans le n°171 de Journal du Golf à lire en ligne par ici.