(VINCENT AMALVY/Afp)
(VINCENT AMALVY/Afp)

Mesdames, Messieurs les juges, bonjour !

Arrêtons de nous juger sur un parcours. Ronan Lafaix nous explique pourquoi.

Savez-vous à qui je m'adresse dans mon titre ? À vous, cher lecteur assidu de Journal du Golf.

Vous êtes habitué maintenant à notre manière de vous challenger, de voir, de vous faire réagir, de vous faire réfléchir et pourquoi pas de vous énerver !

Cette année, nous avions décidé que la dualité serait au coeur de chaque papier dans cette rubrique.

Nous tenons nos engagements.

C'est encore le cas encore ce mois-ci. Juger ou ne pas juger, telle est la question.

Alors les juges...

Ça vous parle quand on vous nomme ainsi ?

Mais au fait : juge de qui ? Juge de quoi ?

À quoi ça peut bien servir de juger, de se juger ?

Une petite mise au point s'impose.

Juge de qui ?

De moi, bien sûr. J'en profite sur le parcours car j'ai au minimum quatre heures à passer avec moi-même. Ainsi, je me juge après chaque frappe.

Quel plaisir que de me juger. D'ailleurs y a-t-il un meilleur plaisir que celui-là ? Je ne pense pas vu l'état des joueurs que je croise sur le parcours. C'est quand même un sport national, ce jugement. Décrocher le titre de champion de France n'est pas facile tant la concurrence est grande. Il y a du niveau sur tous les parcours de golf de France.

Juge de quoi ?

J'allais dire de tout ce qui bouge. Un peu comme un chasseur à l'affût. Tout est prétexte à ma frustration. J'ai même peut-être quelques préférences d'ailleurs, des boucs émissaires (moi, mon club de golf, le parcours, le vent, le soleil... mon conjoint). Je suis créatif, jamais à court d'idées. J'ai un potentiel énorme.

Et puis quand je juge, je me compare. À mon partenaire de partie par exemple. Mais aussi à moi-même : je devrais jouer ainsi, comme à l'entraînement. Sauf que l'entraînement et le parcours sont deux sports complètement différents. Dans le premier, je tape beaucoup de balles en général et peux être satisfait du « coup parfait » qui tombe de temps en temps. Sur le parcours, je tape la balle toutes les deux ou trois minutes en moyenne et je n'ai pas de deuxième chance. Et comparer par rapport à la dernière compétition jouée ? Oui, sauf que tout a changé depuis la dernière fois ! Le vent, le parcours peut-être, l'enjeu que je mets et donc mes attentes, ma forme physique du moment (ai-je bien dormi ?), mes éventuels soucis personnels... La liste est interminable, et comme chaque situation est unique, la comparaison est tout simplement insensée !

Malgré tout ça, je continue de me juger. Et c'est bon ! Une drogue ! D'ailleurs, à votre avis, comment se fait-il que vous y retourniez ? Pour retrouver votre « came ».

À quoi sert de juger ?

À montrer que j'ai du caractère.

À montrer que je suis ambitieux sûrement.

À montrer que j'ai du mental et que je ne suis pas un faible.

À dire à tout le monde que d'habitude je joue beaucoup mieux.

À sûrement faire grandir mon estime de moi qui en a bien besoin.

Voilà le topo !

Quand vous lisez ces lignes, que vous dites-vous ?

Que l'on exagère ? Que l'on est loin du compte ?

Ou alors que se juger est nécessaire.

Qu'il y a des aspects positifs à le faire.

Que c'est impossible de résister.

Que c'est plus fort que tout.

Que c'est un peu une drogue.

Que par moments, ça m'a fait bien jouer de me traiter de « taré » de « gros c... » de « grosse m... »

Ça me détend.

Que ça aide à la motivation en secouant mon ego.

Que c'est une habitude et que j'en ai vraiment besoin.

La bonne nouvelle pour ceux qui le souhaitent c'est que comme toute croyance, vous pouvez changer ce processus mental. C'est même un changement de paradigme. Un état d'esprit différent à avoir. Une légèreté par rapport à la vie.

Petit mode d'emploi :

Vous pouvez commencer par vous dire que vous n'êtes pas parfait. Vous pouvez également vous dire que vous ne pouvez pas traiter une partie de vous-même de tous les noms et attendre de bien jouer. C'est impossible sauf pour ceux qui veulent toujours croire au père Noël.

Ronan Lafaix
Ronan Lafaix

Pendant 17 années, Ronan Lafaix a sillonné la planète tennis en commençant par le bas de l'échelle pour atteindre le plus haut niveau mondial.

Avec lui, Stéphane Robert est passé de la 1000e place au classement ATP à la 50e place mondiale.

En 2016, Ronan est le préparateur mental de Corentin Moutet (grand espoir du tennis français).

Pendant l'année 2016-2017, il a été le préparateur mental de Gilles Simon.

Ronan est également présent dans la voile (préparateur mental d'Armel Tripon, Vendée Globe 2020) et dans le golf.

Après toutes ses formations et ses recherches, il a créé la pédagogie Soyez P.R.O. et Osez (Poser, Respirer, Observer mon intérieur pour Oser).

Renseignements : soyezpro.com