1er octobre 2017. Izki Golf, Espagne. Pour la première fois de sa vie, Victor Perez s'impose sur un circuit majeur, le Challenge Tour. Au sac, Julien Luthringer, bien plus qu'un poisson-pilote, un véritable binôme d'entraînement. Les deux compères achèvent en apothéose au Challenge d'Espagne une année 2017 de complicité, mais surtout une année de rigueur. « Comme moi, Victor est très carré », témoigne le caddy. C'est rien de le dire. Chaque chose est analysée, rien n'est laissé au hasard. À tel point que le copilote a dû s'adapter : « Bosser avec Victor Perez, c'est quelque chose d'unique. Tu ne peux pas arriver comme ça en claquant des doigts. Il a sa façon de faire, sa rigueur, sa routine et sa façon de voir les coups. Et j'ai dû apprendre et prendre le temps de débriefer les coups à sa façon. »
Les deux font la paire
Pour faire la paire, le golfeur n'hésite pas à casser les codes de la relation joueur-caddy : pas question de limiter le temps partagé au temps passé sur le parcours. « On a vécu ensemble 24h/24, ce qui n'est pas banal dans une relation joueur-cadet. Mais j'y voyais une grande force. Je connaissais Victor très bien et j'avais la conviction qu'humainement, ça nous permettrait de bien réagir dans les temps forts et faibles. » Le duo bâtit une relation forte ; Victor a besoin de son cadet pour travailler hors tournoi et n'hésite pas à l'emmener dans son Occitanie natale entre deux compétitions. Après le cut loupé au Kazakhstan en septembre, Julien se retrouve à Tarbes dans la famille Perez. « Victor a insisté pour que je l'accompagne chez lui histoire de bosser et d'enchaîner direct en Espagne. On a passé le week-end chez ses parents à parler de cyclisme, de Tour de France, du Tourmalet. Il m'a emmené sur le golf où il a commencé. C'était une grande preuve de confiance de sa part. On est parti de chez lui en voiture le lundi matin pour aller au Challenge d'Espagne. »

Goût pour la précision
Complicité, donc, mais pas que. Le duo travaille sans relâche avec la rigueur en ligne de mire et l'objectif de progresser et de s'améliorer. Les heures passées au practice sont nombreuses, comme les gouttes de sueur. Ça tombe bien, les deux hommes partagent le même goût pour la précision. Et Julien n'est pas à son coup d'essai en matière d'entraînement : il a un passé de militaire. Il connaît l'obstination, la persévérance dont fait preuve son boss : « C'est ce qu'il le caractérise vraiment, précise Julien Luthringer. Même quand la situation est mal engagée, il ne lâche rien et se bat jusqu'au bout. Quand un round est terminé, il ferme le livre de la partie en ayant tiré les leçons pour optimiser son jeu dès le lendemain. »
Pour l'aider à progresser, Julien lui fournit un soutien moral, mais se transforme aussi en conseiller du patron : « Si mon passé de militaire lui a appris encore plus la rigueur, ma formation de préparateur mental m'a permis de le tempérer à certains moments. Cette année 2017, nous avons connu des hauts mais aussi des moments de doutes. » Elle a été compliquée, cette année-là, avant de finir en apothéose : ses premiers tournois sur le Challenge Tour ne sont pas flamboyants. Mais Perez ne se laisse pas abattre même après un 77 un dimanche à Saint-Omer. Julien Luthringer se souvient encore de l'échange avec l'actuel numéro 1 français. « Victor a toujours eu conscience de ce qu'est la vie d'un golfeur. Il le répétait souvent en utilisant le ton de l'ironie : c'est le golf et la vie qui me testent. Il avait surtout compris qu'il ne fallait pas qu'une mauvaise journée de golf impacte l'image qu'il avait de lui-même. Il disait toujours : "On a le droit de faire une erreur de clubs, de swing ou de stratégie. Mais je n'ai pas le droit de faire une erreur mentalement." »

Même support, même méthode
Pour poser les faits et se recentrer, Victor écrit sur son fameux carnet, dont il ne sépare jamais. Julien non plus, ne se sépare pas du sien ! Même support, même méthode. Coïncidence ? Il consigne en effet dans son cahier de parcours sensations de son joueur, zones à éviter, trous adorés ou détestés... « J'adore passer du temps sur le carnet de parcours, sur les stats, je ne compte pas mes heures. Avec Victor, chaque semaine, on cherchait de nouveaux leviers pour améliorer la performance. Il a toujours été très sérieux dans son sommeil, sa nutrition et sa prépa physique. » Et après les parties vient le temps des débriefs. Des échanges souvent longs, mais toujours constructifs. L'ancien « cad » ressort avec plaisir le carnet de parcours de la victoire de Victor en Espagne. « Celui-là, même si la première page est arrachée, je le garde précieusement. Lorsqu'un petit coeur barré était dessiné à côté du numéro du trou, ça signifiait qu'il ne l'aimait pas ; et vice versa. »
Cette semaine en Espagne donne encore des frissons à Julien : trou-en-un, le premier en carrière réalisé par Perez et un week-end de folie avec deux cartes de 61 et 65 pour s'imposer le dimanche. « Ça a été la consécration et le déclic de tout le travail que l'on a effectué cette année-là », raconte Julien. Et de conclure : « Cette saison 2017, c'est plus que du golf, c'est une aventure humaine incroyable. »