La Bible Perez

Victor Perez dénote dans le paysage tricolore par la très fine connaissance qu'il a acquise de lui-même. Et ce carnet dans lequel il consigne tout ou presque n'y est pas étranger.

Quelques feuilles et un stylo. Voilà peut-être les armes les plus simples et les plus redoutables de l'arsenal Victor Perez. Un carnet, un peu d'encre et des pensées méthodiquement consignées. Ils sont rares les golfeurs à poser noir sur blanc et de façon aussi consciencieuse leurs états d'âme, leurs impressions golfiques, leur diététique et ses effets. Ils sont même rarissimes dans le sport de très haut niveau à acquérir de la sorte une connaissance si fine d'eux-mêmes.

Mode de fonctionnement à bille

L'histoire de ce carnet prend sa source à Biarritz, auprès d'un coach à chapeau et au bouc blanc taillé à la serpe. C'est bien Mike Magher, le coach de toujours, ou presque, qui a instillé, ou plutôt imposé, ce mode de fonctionnement au stylo à bille. « Je demande à mes meilleurs joueurs d'écrire chaque jour dans leur livre, de noter, d'analyser leur propre entraînement, leur propre préparation pour chaque coup, ce qu'ils aiment ou non, explique l'Américain. Le monde pro exige une très fine connaissance de soi. La seule façon d'être honnête avec soi-même passe par le fait de noter toutes ces choses sur le papier. » Alors depuis ses plus jeunes années, l'actuel n° 1 tricolore griffonne inlassablement. « Victor écrit dans son carnet tous les jours depuis qu'on se connaît, lance Magher avec son fort accent anglo-saxon. C'est une de ses grandes qualités. Ce carnet et sa curiosité qui lui fait poser énormément de questions, ce sont ses plus grandes forces. »

Un Lyle et ça repart

Pourtant, la méthode carnet a pris tout son sens pour Victor Perez quelques années plus tard. Une fois son bac en poche, le jeune homme a des envies d'Amérique et des rêves de golf pro plein la tête. Il file en Floride assouvir les deux en compagnie de Matthieu Pavon. C'est une rencontre auréolée d'une veste verte qui confirme les bienfaits du fameux carnet. « Ils ont rencontré Sandy Lyle là-bas et Victor lui a posé beaucoup de questions, raconte Mike Magher. Sandy a très vite sorti ses notes, son carnet où il consignait tout sur son jeu, sur lui, ses distances avec chaque club, etc. En fait, Victor a eu la confirmation de ce dont je lui parlais depuis des lustres. » Depuis, les notebooks s'accumulent sur les étagères du Français et ses performances suivent la courbe ascendante de sa connaissance de lui-même.

Être prêt à gagner

Mais le véritable objectif de ce carnet ne vise pas uniquement la bonne connaissance de soi. Mike Magher précise : « Le vrai joueur est celui qui se connaît, qui est indépendant et sait trouver ses propres solutions malgré l'inconfort lié à des moments de pression intense. Si on n'a pas été honnête avec soi-même, dans ces moments précis, on se foire. » Voilà donc le véritable intérêt de cette façon de procéder : être prêt, n'avoir laissé aucune question ou aucun doute en suspens, s'adapter, tirer le meilleur de soi-même, quel que soit l'enjeu, la pression ou les conséquences. Et au final, gagner. C'est typiquement ce qu'est rapidement parvenu à réaliser Victor Perez ces dernières années.

Ce carnet représente en quelque sorte la partie visible de l'iceberg de la performance du Français. Car noter, c'est une chose. Assimiler et apprendre de ces notes, c'en est une autre. Renaud Gris, entraîneur de l'équipe de France homme, dont Perez faisait partie en 2014, se souvient. « Dans les recos de parcours, Victor allait prendre ses petites notes tout seul à pied la veille ou l'avant-veille des tournois. Il prenait énormément de renseignements sur les parcours qu'on allait jouer et sur ce qu'il allait devoir mettre en place pour y performer. Victor n'était pas dans le "moule". Il savait ce qui était bon ou pas pour lui. Il prenait les choses qui lui faisaient du bien. » Le carnet de Victor Perez est donc bien un outil clé de son trajet vers le plus haut niveau mondial. Quelques pages et un peu d'encre pour écrire, se décrire et se connaître sur le bout des doigts.