J'irai golfer à Saint-Germain

Après Chantilly, Journal du Golf se rend dans un autre club mythique, ancré dans l'histoire du golf français. Direction les Yvelines pour découvrir le golf de Saint-Germain. Un lieu de pèlerinage à faire absolument.

Situé en plein coeur de la forêt domaniale de Saint-Germain-en-Laye, le club-house attire notre attention d'entrée. La bâtisse en lattes de bois vert foncé se dresse sur deux étages et s'intègre parfaitement dans le décor. Près du putting-green, costume du club sur les épaules, Jean-Paul Davin, le président du club nous accueille. Avides d'en savoir un peu plus sur l'histoire du club, les questions fusent. Exceptionnellement, mesures sanitaires obligent, le président nous ouvre les portes du club-house. Dans la grande salle, en face du bar, les photos anciennes et les coupes habillent subtilement les murs. L'histoire du club est face à nous.

On y trouve le plan d'origine dessiné par la main d'Harry Colt, d'anciennes affiches d'opens de France et le corner Marcel Dallemagne. « Dallemagne était pro au golf de Saint-Germain pendant de nombreuses années. Là, vous avez la reproduction de la coupe Stoïber, le trophée de l'open de France qu'il a remporté trois fois entre 1936 et 1938. Et sur cette photo, il est avec Henry Cotton, triple vainqueur du British Open. » Un peu plus loin, sur un autre mur, une photo de Bobby Jones nous saute aux yeux. La légende américaine a joué à Saint-Germain en mai 1930. Le cliché trône fièrement au milieu des photos représentant les événements qui ont marqué l'histoire du club francilien. « On retrouve ici les photos des différents champions qui ont gagné l'open de France (Saint-Germain en a reçu neuf). Mais il y a aussi l'équipe de France qui a gagné le Championnat d'Europe 1964 avec des membres de Saint-Germain ou encore Alexandra Bonetti, championne de France en 2010, issue de notre club. »

De Hogan à Eisenhower

Notre plongée dans l'histoire se poursuit dans le bureau du président. À quelques mètres du putting-green, Jean-Paul Davin ouvre les portes d'un véritable musée du golf. Dans la petite salle, les objets sont soigneusement positionnés et très bien conservés. En entrant, notre regard se porte sur un corbeau empaillé. « C'est l'un des symboles de Saint-Germain, raconte le président. On le retrouve d'ailleurs sur le blason porté par les anciens membres et membres du comité ainsi que les champions du club. Quand Georges Durand, le premier président, s'est installé ici, le terrain était couvert de cailloux et de corbeaux. Ces derniers attrapaient les balles (sourire). Le symbole du corbeau est resté et l'on a ajouté le berceau qui représente les armes de Saint-Germain-en-Laye. »

« Eisenhower venait souvent jouer ici. Pendant la guerre, il commandait l'armée américaine à Saint-Germain. »

Jean-Paul Davin, président du golf de Saint-Germain

L'étagère qui nous fait face regorge de souvenirs. On y trouve un béret signé de la main de Ben Hogan, des photos retraçant l'histoire du club, des messages de clubs amis. « Ici, c'est une photo de l'ancien club-house. Saint-Germain était alors le golf de l'Ermitage. Il a brûlé en 1952. Sa reconstruction a été confiée au fils de Maurice Denis, célèbre peintre saint-germanois. » Passionné et passionnant, le président nous abreuve d'histoires et d'anecdotes et l'on ne perd pas une miette de ce voyage dans le temps. Derrière le bureau trône un magnifique siège en bois offert par le commandant de l'état-major américain après la seconde guerre mondiale et sur le côté, une photo d'Eisenhower. « C'était un golfeur passionné. Pendant la guerre, comme il commandait l'armée américaine à Saint-Germain et l'état-major à Rocquencourt, Saint-Germain était le parcours le plus proche. Du coup, il venait souvent jouer ici. Pour la petite histoire, il y a même un roman qui raconte l'assassinat du président sur le golf depuis la passerelle, qui n'existe plus, qu'il y avait entre le 1 et le 2 du parcours des Genêts. C'est une fiction bien sûr. »

Colt le magicien

Après un passage dans les vestiaires d'époque, c'est un peu plus instruit que l'on se retrouve sur le départ du 1 du grand parcours. Histoire de nous mettre la pression d'entrée, un panneau informe des records du parcours et des noms prestigieux figurent au palmarès. D'Henri de Lamaze (68) à Mathieu Decottignies-Lafon (64) en passant par Alexis Godillot (66), la palme revient à Thomas Perrot et son brillant 62 (-10). Hôte à neuf reprises de l'open de France, l'idée de marcher dans les pas des Ballesteros, nous excite d'avance. « J'étais présent lors de la dernière édition qui a eu lieu ici, en 1985, raconte Jean-Paul Davin des étoiles encore dans les yeux. J'ai eu la chance de suivre Ballesteros et je me souviens d'un coup de fer au 5 exceptionnel. C'était magique de le voir. » Dessiné par Harry Colt, à qui l'on doit en France les tracés du Touquet La Mer, Biarritz le Phare ou encore Granville, Saint-Germain est un petit bijou. En plein coeur de la forêt et sur un terrain, relativement plat, l'Anglais a subtilement créé du relief. « C'est un parcours qui sera centenaire dans deux ans, note Jean-Éric Simonnot, greenkeeper adjoint. C'est remarquable d'être arrivé à un tel rendu avec des formes un peu partout. Il faut se souvenir qu'à l'époque il n'y avait pas d'outils mécaniques. C'est assez bluffant. »

Des bunkers casse-tête

Ondulations, greens en hauteur, au fil des trous on prend la pleine mesure du parcours. Le tracé est franc et si un bon coup est récompensé, un mauvais peut vous attirer bien des soucis en particulier sur les par-3 et leurs greens défendus par d'impressionnants bunkers. Signatures de l'architecte, on en trouve 116 sur le grand parcours. Des obstacles aux lèvres pentues, caractéristiques de Colt et casse-tête pour l'équipe de terrain.

« Il ne faut pas oublier son sandwedge quand on vient jouer à Saint-Germain. »

Jean-Éric Simonnot, intendant du golf de Saint-Germain

Sur le 5, premier par-3 du parcours, on retrouve Jean-Marc Legrand, intendant au club depuis plus de trente-trois ans. « Entretenir des bunkers est très compliqué. Contrairement à ce que l'on peut voir sur les parcours des circuits pros où tout est impeccable, c'est très compliqué d'avoir des bunkers homogènes. » Des pièges mange-balles où le choix du sable est capital. « Il ne faut pas oublier son sandwedge quand on vient jouer ici, s'amuse Jean-Éric Simonnot. On a choisi un sable de Loire. C'est un bon compromis car il n'est pas trop lourd pour le jeu, mais surtout il tient très bien dans les pentes et les formes assez atypiques ici. »

Deux trous plus loin, c'est encore un par-3 signature qui se dévoile sous nos yeux. Comme le 5, le 7 est un emblème de Saint-Germain. « On reconnaît bien la patte de Colt, explique Jean-Marc. On retrouve encore des bunkers, mais aussi la forme du green avec cette grande languette devant et des pentes assez abruptes de chaque côté. » Derrière lui, Jean-Éric sourit. « Si vous loupez le green, le chip est coton et de façon générale, les par-3 sont dans cette configuration-là. » La nouveauté de ce post-confinement se trouve d'ailleurs sur un par-3 : le 17 et ses nouveaux départs. Les plateformes palplanches ont disparu pour un retour à la tradition Colt. « C'est un départ que j'avais fait en 1990 et que l'on a donc rénové. Quand on refait ce que l'on a créé, c'est qu'il est temps de partir à la retraite, s'amuse Jean-Marc. C'était un départ mal drainé et là on colle mieux à l'identité de Saint-Germain : des plateformes en forme de buttes pour retrouver un dessin naturel. »

À jouer absolument

Au final, si Saint-Germain n'est peut-être pas le parcours auquel on pense en premier, c'est un tracé qui vaut le détour et un vrai test de golf. « Il faut toute une vie pour le maîtriser, ironise François Bardet, le directeur. C'est un parcours où l'on joue tous les clubs de son sac. On ne s'ennuie jamais et en plus son histoire est magnifique. De grands joueurs ont joué ici à travers le temps et notamment Martin Kaymer dernièrement. »

N'attendez plus pour planifier votre pèlerinage. Le tracé n'est pas réservé qu'aux membres, mais ouvert aux green-fees en semaine, du mardi au vendredi. Ainsi que le samedi de mi-juillet à fin août.