Granville l'écologique

Direction le golf de Granville pour parler d'écologie avec Daniel Paillé, président du club depuis mai 2019.

« Granville est souvent synonyme d'écologie. Il y a quelques années, Stéphane Rouen, votre ancien greenkeeper, a réduit la consommation d'eau par deux. C'est important de garder cet ADN ?

C'est primordial. Mais il faut savoir que nous ne sommes pas à l'origine de cette décision et de ce comportement. Nous sommes dans une zone extrêmement protégée et on pourrait être surpris de voir que sur un plan cadastral, nous sommes dans une zone appelée « N.G. », où l'utilisation des produits phytosanitaires est réduite à zéro. Mais dans cette zone-là, seul le golf est concerné, l'hippodrome et l'aérodrome échappent à cette réglementation. Donc au départ, ce n'était pas une volonté première du golf, mais une nécessité d'adaptation. Après, dans un second temps, le golf a mis en place tous les moyens possibles et imaginables pour parvenir à des résultats aussi satisfaisants que possible, avec toute une révision dans le temps, de l'appréhension et de l'entretien du terrain. Car un golf est parfois confronté à des maladies contre lesquelles il faut lutter en temps et en heure.

Stéphane Rouen consultant greenkeeping à Granville.
Stéphane Rouen consultant greenkeeping à Granville.

L'apport de Stéphane Rouen, une pointure en la matière, a été essentiel ?

Comme il a été greenkeeper ici pendant de longues années et aujourd'hui consultant, son aide est évidemment très précieuse. Stéphane nous a fait comprendre qu'avec le temps, l'amélioration d'un terrain comme le nôtre passe par des compositions particulières permettant de traiter telle ou telle maladie, sans produits méchants. Mais aussi et particulièrement par une mécanisation adaptée. Aujourd'hui, on se tourne vers une mécanisation, je dirais « à outrance ». Le golf est doté de tout le matériel dernier cri qui nous permet d'avoir des résultats de qualité sur les greens, avant-greens et départ.

Vous avez des remarques de la part des joueurs quand le parcours est un peu « grillé »?

Oui mais je crois qu'il faut bien différencier les types de golfeurs par rapport à cela. Il y a des golfeurs voyageurs et des golfeurs, je dirais casaniers. On a d'ailleurs aucune remarque de ces gens-là parce qu'ils sont habitués à leur produit. La qualité des fairways est liée au ciel, donc entre juillet et août, il est rare d'avoir une période où le parcours n'est pas jaune. Mais nous n'avons aucune remarque de la part de bons joueurs où de connaisseurs. C'est vrai que l'on souffre d'un certain nombre de green-fee, essentiellement concentrés sur juillet et août, qui restent nos deux mois les plus forts, à cause de la couleur du fairway. Les gens de passages disent : "Granville, c'est cramé, on va jouer à côté". Cette question est aujourd'hui prise en considération. Vraisemblablement, il y aura dans le futur un arrosage des fairways.

C'est un projet dans un futur proche ?

Je ne peux pas vous dire si c'est dans 2 ou 5 ans, mais nous allons enclencher le processus. Nous allons nous doter d'un bassin tampon sur le site du golf, approvisionné directement par notre fournisseur. Nous devons modifier notre réseau primaire qui a besoin de diamètre de tuyaux supérieurs à ce qui existe aujourd'hui pour pouvoir supporter cela. Nous nous mettons dans les dispositions pour aller vers l'arrosage des fairways.

« Il y aura, dans le futur, un arrosage des fairways de Granville »

On n'imagine quand même pas un arrosage à outrance...

Non, ce n'est pas du tout l'esprit. Nous n'avons pas la volonté de faire des fairways aussi verts que chez certains voisins. Il s'agit davantage d'une compensation du ciel, afin que les fairways ne deviennent pas secs et jaunes mais plutôt d'en faire quelque chose de naturel et esthétique. On bénéficie de greens, d'avant-greens et de départs d'excellente qualité. Nos roughs sont plutôt sympathiques et varient en hauteur et en qualité selon les années. Je pourrais même rajouter les bunkers où l'on travaille à fond notre image de golf à l'écossaise. On a l'objectif de faire progresser nos 44 bunkers en termes de qualité visuelle. Nous passons progressivement à leur construction avec des strates en matériaux synthétiques, plutôt qu'en matériaux naturels.

Des matériaux synthétiques à Granville ?

Cela peut paraître surprenant dans un cadre comme le nôtre, mais il n'empêche que ça ne se voit pas. Le premier point, c'est beaucoup plus beau, plus propre. Et puis la longévité est multipliée par deux à quatre.

Granville est le seul golf français présent dans le célèbre ouvrage « True Links ».
Granville est le seul golf français présent dans le célèbre ouvrage « True Links ».

Vous parlez d'arrosage, de matériaux synthétiques. Vous n'avez pas peur des critiques qui pourraient juger Granville moins écologique qu'avant ?

Non, je ne le crains pas. Nous avons fait sous forme de test la construction de trois bunkers en strates synthétiques. Il y a trois ou quatre ans maintenant, et personne ne s'en est rendu compte. Si ce n'est que tous nous ont dit que ces bunkers étaient plus jolis que les autres. Mais nous sommes loin d'être précurseurs dans ce domaine-là. Beaucoup de links le font déjà, que ce soit en Irlande, en Écosse ou ailleurs. Si on y est arrivé, c'est parce qu'il y a des progrès scientifiques en la matière. Aujourd'hui, le matériau est très légèrement plus coûteux mais, compte tenu de sa longévité, s'avère beaucoup plus économique dans le temps. Même si ce n'est pas l'aspect économique qui nous guide dans l'amélioration des parcours de Granville, mais l'aspect technique, visuel et l'image que l'on peut en tirer après. En ce qui concerne l'arrosage, encore une fois, nous sommes sous l'influence unique du ciel. On sait dans quel état est notre terrain lorsque le ciel laisse tomber de l'eau et lorsqu'il ne pleut pas. La différence, c'est qu'on va compenser le ciel : au lieu d'avoir des passages du vert au jaune, nous n'aurons que des passages du vert au vert. Mais qui ne sera jamais un vert pomme ou Augusta. »